Sept 2015 - Visite de Catherine aux villages Tamang
Comme décidé lors du dernier comité de direction de l’association, Catherine, de retour au Népal, s’est rendue le 9 septembre dans les villages Tamang de Khanigaon et de Magarsalu.
La visite a confirmé que 3 maisons sont à reconstruire et 11 à réparer à Khanigaon et 15 seraient à reconstruire à Magarsalu. Il y a aussi une assez grosse école du canton, située entre les villages, à rebâtir à Sikarpur
Si à Khanigaon, il semble possible de compter sur une organisation de village responsable comme interlocuteur, cela semble difficile au hameau de Magarsalu. Le niveau d’éducation et de développement y est si faible qu’on ne trouve pas d’interlocuteurs collectifs. La situation est si précaire que les comportements individuels, la jalousie, prévalent sur l’intérêt commun, comme souvent dans les situations difficiles.
La question se pose donc, au-delà des problèmes techniques, de trouver un moyen de sélectionner et de suivre les projets de reconstruction sans engendrer des frustrations et provoquer des violences internes.
La visite confirme l’ampleur des tâches de coordination locale à mener, pour lesquelles il va falloir trouver un responsable népalais en plus du soutien technique qui va venir de France.
Pour gérer les approvisionnements et contrôler des dépenses, une amie de Catherine est pressentie: Danzee Sherpa de Katmandou.
Ont été évalué aussi les ressources disponibles: acheminement des matériaux, disponibilité de l’eau, de main-d’œuvre spécialisée et l’estimation des coûts.
Se pose aussi la question de l’application possible de règles de construction antisismique. Des questions qui devraient trouver une réponse après la mission sur place de René Haon, coordonnateur technique de France, qui va se rendre sur place en octobre.
Compte rendu détaillé de la visite de Catherine:
En route pour les villages Tamang
« Nous partons à quatre. Guy Chaumereuil, président du Parc de la Vanoise et du Grand Bivouac, son ami Yannick, Danzee Sherpa, peut être future responsable logistique de Samdo Avenir et moi-même. J’ai pris le chauffeur de l’agence pour nous conduire en jeep, car je sais qu’arriver là-bas il nous faudra encore se faire une bonne grimpette.
Nous partons à 5 h 30 du matin pour éviter les embouteillages. Arrivée à 7 h 30 en bas duvillage. Delà nous prenons la piste pour rejoindre Khanigaon, accroché au flanc d’une colline. La montée me parait plus longue et plus ardue qu’en mai. Seuls cette jeep ou des camions 4x4 sont capables d’y monter. Par contre, la piste n’a pas été endommagée par la mousson. Elle tient bien, et il n’y a pas de gros éboulis.
Au village de Khanigaon
En 20 min nous sommes arrivés à Khanigaon. Kancha (guide de l’agence GST) et sa femme nous ont préparé un petit déjeuner plantureux. Tout est verdoyant. C’est si beau et calme ici, après la pollution et le bruit de KTM.
La chaleur est déjà écrasante à cette heure matinale. Nous apprécions la fraicheur de la maison de Kancha.
Sa maison à quelques fissures en plus par rapport à la première visite en mai entre les deux séismes, mais rien de très grave.
Je rends visite à ses voisines qui sont deux femmes seules avec enfants dont le mari commun est décédé. Les fissures de leur maison n’ont pas beaucoup évolué non plus, mais elles vivent sous un abri de tôles.
La visite de Khanigaon se fera plustard. Ilnous faut d’abord grimper à Magarsalu.
Étonnement le sentier est très sec. J’avais pensé marcher dans les ruisseaux et me battre avec les sangsues. Rien de tous ces désagréments.
La chaleur est plus humide qu’en mai, mais toujours étouffante. La montée à Magarsalu est toujours aussi raide. Même avec les gros nuages de la mousson cachant les sommets himalayens, le paysage de collines découpées de champs minuscules reste magnifique.
L’école de Sikarpur
Passage à l’école de Sikarpur juste avant Magarsalu. C’est une grosse école de 400 élèves.
Les enfants de Khanigaon vont à la petite école de Khanigaon jusqu’à la classe 5 puis monte à celle-ci. Tous les jours ils grimpent la pente raide que nous venons de gravir!
À mon premier passage, elle tenait bien debout. Le second séisme a fait tomber un des murs principaux du bâtiment principal et le second bâtiment est très abimé.
L’association « SOS children » par le biais de l’association népalaise Bagsal a construit des abris pour faire les classes. Les habitants de Khanigaon et Magarsalu ont redonné à l’école certaine des tôles données par Samdo Avenir pour leurs abris. Les enfants sont en classe, mais le chiffre de 400 élèves me parait faux. À vérifier.
Il va nous falloir contacter l’ONG Bagsal pour connaitre leur projet de reconstruction et voir si on fait quelque chose ensemble ou si on propose de construire un des bâtiments antisismiques cette fois.
Il y a un problème d’adduction d’eau. Elle arrive seulement par un tuyau de plusieurs kilomètres.
Au village de Magarsalu
Nous marchons encore 10 min au plat sur la crête pour atteindre Magarsalu. Le guide Basanta, qui travaille pour GST et qui est du village nous accompagne.
Les premières maisons paraissent en bon état et je commence à me demander si j ai rêvé la dernière fois. Mais dès que nous passons le coin de la troisième maison, nous arrivons sur des maisons écroulées ou en piteux état. Le second séisme a aggravé les dégâts. Le mur de face de la maison de la famille de Basanta est tombé, les pièces sont éventrées. Les autres maisons autour sont aussi à moitié écroulées.
Réunion avec des villageois de Magarsalu
Nous commençons par nous installer loin des murs, mais la chaleur nous conduit à battre en retraite sous l’auvent de la maison de Basanta, nous adossant au mur qui lui-même ne s’adosse qu’au vide!
Je rappelle à Basanta que j aimerai faire une petite réunion avec une femme responsable du comité des femmes, puisqu’il existe, un homme respecté et écouté des autres habitants puisqu’il n’y a pas de chef et un jeune ainsi que Basanta.
Basanta me dit que personne n’écoute personne donc que c’est difficile.
Je lui rappelle que lors de notre réunion vendredi d’avant les autres guides ont dit que le père de Basanta, Man Bahadur Tamang, est le plus respecté. Nous l’enrôlons donc.
Basanta part à la recherche d’une femme dans le village.
Contrairement à ce que l’on m’avait dit, les villageois n’ont pas terminé la récolte du maïs. Beaucoup sont donc dans les champs.
Basanta revient avec Maïli Maya Tamang. Elle s’installe sur le banc près de moi, l’air d’être punie. Un autre homme du village se joint à nous. C’est le seul à avoir commencé à reconstruire sa maison.
Je commence à poser mes questions. Basanta répond sans prendre la peine de demander l’avis des autres. Je lui explique que j’ai besoin de leur avis et besoin qu’après notre départ ils réunissent le village et discutent ensemble de chaque point. Basanta me répond catégoriquement que ça ne sert à rien de leur demander leur avis et qu’en plus s’ils en parlent aux autres ils vont tous s’engueuler. Il me demande de dire ce que SA va faire et ne pas demander leur avis, car ils ne sont pas éduqués!
Je suis plutôt étonnée et dépitée. Ça ne va pas être simple. En plus je sens bien qu’il a plutôt raison, car les habitants de Magarsalu paraissent vivre comme il y a trente ans, loin de tout.
J’obtiens tout de même quelques réponses:
- Bilan des dégâts : 15 maisons écroulées et 5 debout
- Il n’y a pas d’électricité au village. Seulement des petits panneaux solaires.
- Presque toutes les maisons ont de belles toilettes dans leurs cours qui ne se sont pas écroulées.
- Combien ont-ils reçu du gouvernent ? 15 000 rs (140 €) pour chaque famille pour des abris, mais bien après le début de la mousson et les abris étaient déjà construits depuis longtemps par SA.
- Ont-ils reçu de l’argent pour la reconstruction? Non. Le bruit court que le gouvernement donnera 2 lack (200 000 rps) soit 2000 € par maison détruite.
- Ont-ils commencé à reconstruire? Non, car ils ne savent pas comment faire tomber leur maison sans abimer les boiseries et les tôles ni se blesser. Des soldats ont essayé sans succès. Les maisons ont un étage + un grenier.
Un seul homme est en train de reconstruire sa maison, car l’ancienne s’est tout à fait écroulée et donc il n’a pas eu à la détruire. Je l’interroge :
Il a embauché deux maçons du village et reconstruit une petite maison sans étages. Utilisation des mêmes matériaux: beaucoup de terre et peu de pierres. (Pierres irrégulières et pas très grosses, boiseries récupérées. voir photo).
Cet homme parait plus dynamique que les autres villageois. À voir s’il peut prendre part à nos projets?
Il me dit que sa maison va lui couter environ 2000 € pour une construction sans ciment.
D’après lui le salaire d’un maçon est 700 à 800 rs par jour. Ils savent faire de l’enduit de ciment sur des murs de pierres comme pour les toilettes du village, mais ne savent pas faire du béton ou autre. Ils seraient libres pour nos projets, mais il faut leur dire rapidement.
Il n’y a pas de menuisier au village.
Moyens d’accès pour les approvisionnements :
On peut apporter du matériel par une autre route qui monte de Piple. Il faut 2 à 3 h par la piste puis on descend à pied le matériel depuis la crête que l’on voit en face du village.
Le portage jusqu’au village coute 3 à 4 rs par kilo, depuis l arrêt du camion jusqu’à Magarsalu.
En fait c’est le même prix de Khanigaon à la fin de la piste jusqu’à Magarsalu. Que ça monte raide comme une échelle ne coûte pas plus cher, que de descendre en pente douce!
Si c’était moi, je ferais payer le double!
Un porteur peut transporter 50kg sur cette distance : donc 150 rs par portage.
Ressources en eau !
Le point le plus important: le village manque d’eau. Elle est apportée par un tuyau de 2 km. Mais à partir de janvier et jusqu’en mai/juin elle ne coule presque plus. En tout cas pas assez pour reconstruire toutes les maisons en même temps, car on a besoin de mélanger beaucoup d’eau à la terre.... je ne vous parle même pas de la quantité d’eau qu’il faudrait si on doit faire du ciment! Petit coup au moral...
Des projets de reconstruction
Les villageois ne s’attendent pas à ce que l’on reconstruise leurs maisons et encore moins en antisismiques. Ils savent que c’est impossible et sont prêts à vivre des mois ou années dans les abris. Ils nous remercient de leur avoir appris à faire des abris si solides pour tenir longtemps.
Le calendrier !
Je demande aux autres quand ils pensent commencer à reconstruire: après la mousson et après les fêtes de Dassain et Tihar! Là je me renfrogne et grommelle toute seule: Tihar étant cette année mi-novembre ils vont attendre si tard et qu’il n’y ait plus d’eau pour commencer a construire! Je crois me retrouver trente ans plus tôt lorsque plus rien ne se faisait au Népal entre la fin de la mousson et la fin des fêtes de Tihar. Ici on vit toujours à ce rythme et l’urgence de reconstruire avant l’hiver ne parait pas les déranger! Je ne dis rien et prends note docilement.
Plan d’action
Je leur explique que des techniciens et maçons du bâtiment volontaires de SA vont venir en octobre plusieurs semaines et voir chaque maison. Puis, suivant leur avis, nous déciderons comment aider les villageois à reconstruire et déjà à démolir.
Réunion à Khanigaon
Arrivée aux premières maisons de Khanigaon, je m’aperçois que les maisons se vident et tout le monde nous rejoint pour assister à la réunion...dont deux picoleurs avec le nez tout rouge! Me souvenant des réunions de village à Samdo, dont une qui s’est terminée par des coups de pioche entre les jeunes et des jets de pierres, j appréhende un peu...
Mais tout le monde parait très calme. On s’assoit en cercle dans une cour entre plusieurs maisons. Plus de vingt hommes... une seule femme! Et ce n’est même pas celle du comité des femmes.
J’insiste pour qu’il y ait des femmes du comité. Au bout d’un moment une dizaine de femmes s’assoient à part, sur ma gauche. Les hommes parlent sans se couper la parole ni agressivité. Les femmes ne parlent que si je les questionne.
Principaux interlocuteurs: Shakti Man puis Sanju Moktan du comité des femmes. Au cours de la réunion une femme plus jeune parait plus leader. Elle a fait des études. Un autre homme aussi parait plus écouté. Je dois demander leurs noms à Kancha.
Ils sont plus organisés : tous les trois mois, ils ont une réunion ou ils récoltent 10 rs par maison pour l’entretien des citernes et tuyau. L’eau arrive aussi de loin. Mais il y a moins de problèmes qu’à Magarsalu, en hiver.
Leur petite école est peu abimée. Elle a été construite par l’association hollandaise Ramro Nepal. Il faudra que nous la contactions.
Il y a 11 maisons très abimées, dont 3 écroulées.
Personne n’a commencé à reconstruire. Ils attendent les directives du gouvernement, car ils ont entendu dire que l’état doit donner son accord pour toutes reconstructions et va donner les plans pour reconstruire selon des normes antisismiques. Ils savent cependant qu’ils n’auront pas l’argent pour cela. Ils pensent reconstruire avec un rez-de-chaussée plus long qu’avant et un grenier. Pas d’étage, 4 piliers de bois, un toit en tôles, pas de tuiles.
Les jeunes sauront faire tomber les maisons endommagées avec bambous et cordes.
Ils ont reçu 15000rs trop tard du gouvernement pour les abris, et 8000rs pour réparer les pistes.
Je demande pour le village quelle aide serait importante: Réponse : Aider à la reconstruction des maisons.
Je leur dis que si on les aide financièrement on ne donnera pas la même chose à tous. Ceux qui ont leurs maisons intactes n’auront rien et ça risque de faire des jaloux. Ils m’assurent que non, car ils sont tous cousins ou amis.
Ici le comité des femmes existe. Quand GST envoie des trekkeurs les femmes font un spectacle et l’argent sert à entretenir les chemins.
Jaman Singh notre guide le plus ancien, à presque termine la construction d’un petit monastère avec son argent. Je le visite. Je lui propose que nos volontaires l’aident à le rendre plus résistant au séisme.
J’expose aux villageois un projet de pièce commune et d’accueil de trekkeurs par tout le village. Ils sont super enthousiastes. À voir…
Les villageois remercient GST pour le don de tôles si rapides, car les bâches données par les UN se sont envolées au premier orage et ils se sont retrouvés sans rien avec les secousses qui continuaient. Pour eux ces tôles c’était inespéré. Je leur explique que ce n’est pas GST, mais que beaucoup de trekkeurs de GST qu’ils ont guidé ou dont ils ont porté les sacs ont fait des dons à SA pour eux tous.
Je leur dis aussi que l’argent a été donné pour les autres guides du Solu et autres régions et pour les villages de l’équipe de GST à KTM. Aussi pour la vallée de la Nubri.
Ils ne vont donc pas être seuls à en bénéficier, mais les villages de Khanigaon et Magarsalu seront un peu nos projets pilotes.
Mais je leur répète bien que toutes les décisions sur l’aide à la reconstruction seront prises par les membres de SA après la visite du coordonnateur technique de SA en octobre.
Nous les quittons juste avant la nuit."
-
Rubrique(s) concernée(s)
-
réseaux sociaux