Oct. 2015 - Mission de reconnaissance technique
Deux volontaires, dont René Haon, membre du bureau de Samdo Avenir, se sont rendus au Népal pour une mission d'expertise technique. Ce premier billet rend compte de leur déplacement dans les deux villages de Tamang de l'est de Katmandou. Magarsalu et Kanigaon sont les cibles prioritaires des actions de reconstructions pilotées par l'association.
"Jean Raoul SIX et moi-même avons débarqué à Kathmandou le samedi 10 octobre au petit matin ; après un petit déjeuner et une douche chez Catherine, nous avons pris la route en 4x4 vars les villages tamangs de Kanigaon et Magarsalu. L’échange avec Catherine a donc été bien trop bref, mais la route est longue !
La voiture était bien pleine avec nous deux, le chauffeur, Dawaï Andji Sherpa (ou Danzee) notre interprète, Guen le cuisinier, un menuisier (c’est-à-dire un artisan qui fait des meubles, des menuiseries et de la charpente) ; en route nous avons récupéré Shyam, l’ingénieur et Nirkung son assistant.
Nous avons quitté la route après de nombreux virages, et le chauffeur a réussi à hisser tout ce monde et le chargement jusqu’à Kanigaon au bout d’une piste chaotique.
Deux heures de marches plus tard et 3 porteurs aidant nous avons atteint Magarsalu.
L’avis du menuisier qui nous a abandonné et est rentré avec la voiture est qu’il n’y a pas de bois exploitable sur place.
Nous nous sommes installés pour certains sous tente, pour d’autres dans une partie d’un abri en planches et tôles (fournies par Samdo Avenir) construit après le séisme.
Nous avons commencé la visite des maisons du village et celles éparpillées sur les flancs du côteau dès le dimanche matin. Que dire ? Nous n’avons pas été surpris car nous avions vu de nombreuses photos, mais l’effet est saisissant même pour moi qui suis accoutumé à examiner des habitations après des sinistres. On imagine la partie principale du village telle qu’elle était avant : superbe !
Nous avons visité l’école proche qui réunit des enfants de 14 villages, et celle d’Harkapur avec deux maisons de ce village et le lundi soir nous nous sommes installés à Kanigaon.
Parcourant l’autre versant nous avons visité l’école (construite par une ONG hollandaise) et les autres maisons.
Au total, nous avons vu 79 maisons et 3 écoles.
La journée de jeudi a été consacrée à deux réunions avec les villageois ; nous sommes remontés à Margarsalu (1h30 seulement cette fois) où nous avons rencontré 17 personnes dont 5 maçons ou prétendus tels (je pense que le marché qui s’ouvre fait naître des vocations). L’après-midi nous avons réuni les habitants de Kanigaon (environ 40 personnes). Nous avons précisé que nous ne verserons pas d’argent et paieront directement les prestataires. A Kanigaon, une tension existe entre ceux du bas et ceux du haut ce qui m’a conduit à ajouter un représentant à ceux retenus par Catherine. Manifestement une demande est formulée pour la reconstruction totale, alors que certaines maisons n’ont que peu voire aucun dommages ; ce qui n’exclue pas des dispositions préventives si nous en avons les moyens.
Peu de gens ont réintégré les maisons, et donc la plupart vivent sous les abris en bois ou bambous et tôles que nous avons fournies.
Les maisons sont toutes construites selon les mêmes techniques (je vais essayer d’être simple):
- Les maisons comportent un ou deux niveaux à usage agricole ou habitation, et un grenier destiné au stockage des récoltesLe sol est en terre battue
- Les murs sont en pierres liées avec de la terre ; il y a deux faces une extérieure, une intérieure, qui ne sont pas reliées ensemble ce qui explique les renflements ou les effondrements d’un côté ou de l’autre. Les murs sont enduits de terre à l’extérieur comme à l’extérieur. A Kanigaon, la mode est à l’application d’un enduit au ciment éventuellement peint, ce qui est une aberration, car la raideur et l’imperméabilité du ciment sont incompatibles avec la souplesse et la perméabilité du mur tel qu’il est construit !
- Les planchers sont à ossature en bois (parfois en bambous pour des maisons rénovées récemment) recouverte d’une épaisse couche de terre battue
- La charpente très (trop) simple est en bois avec une couverture en tuiles de terre cuite, chaume ou tôles (pas de lauzes).
- Les écoles : celle proche de Magarsalu a un bâtiment sur trois détruit, et il n’est pas envisageable de réparer les autres ; celle d’Harkapur ne peut être récupérée mais nous ne nous occuperons pas de ce bâtiment visité du fait d’une concertation trop rapide avec Catherine, comme d’ailleurs les deux maisons de ce village ; Celle de Kanigaon est réparable au prix de transformations pour assurer une bonne sécurité en cas de nouveau séisme.
- Les maisons : nous en avons vus 79 au total (19 à Magarsalu et 58 à Kanigaon) ; sous réserves du bilan à compléter et parfaire, on peut avancer que 50% des maisons de Magarsalu sont irrécupérables et 30 à 40% à Kanigaon). L’estimation qui nous a été donnée par Pawan l’architecte pour la reconstruction donne une fourchette comprise entre 5000 et 6500 € pour une maison respectant les préconisations réglementaires en cours d’approbation. Soit un budget pour la reconstruction de l’ordre de 160 000€.
Nous sommes rentrés vendredi matin ; le chauffeur du 4x4 venus nous chercher a prétendu ne pouvoir monter à Kanigaon, mais je pense que c’était en fait pour économiser le carburant si rare en ce moment. Nous avons donc mobilisé des porteurs et avons rejoint la voiture avant le début de la pente raide. Sur la route le chauffeur a dû faire un appoint de carburant dans une boutique (c’est bien sûr clandestin) pour atteindre Katmandou ; les queues devant les stations-services dépassent le kilomètre !
Depuis nous avons avec Catherine rencontré dimanche Pawan et Prabitan les deux architectes (je n’indique que les prénoms par soucis de simplification) avec Shyam notre ingénieur.
Le projet qui nous est présenté pour la reconstruction des maisons (ou des écoles) concerne des constructions avec des murs en pierres enveloppées dans des gabions métalliques ; on peut se faire une idée de ce que cela donne en regardant certains ouvrages de soutènement des terres en bordure des routes. Le grillage disparaitrait sous l’enduit. L’avantage est que le mur peut se déformer sans que des pierres ne chutent, ce qui conserve au mur une cohésion. J’ai suggéré à Pawan d’envelopper les fondations également dans des gabions. Il propose de former des maçons qui eux-mêmes pourront en former d’autres. Leur réflexion n’est pas très avancée sur la réparation, et les schémas que nous avons établis à notre retour semblent l’intéresser. La discussion sur les honoraires a été plus tendue, et nous devons nous revoir mardi, en pleine fête de Dashein, ce qui montre son intérêt à travailler avec nous. Je ferai un compte-rendu de cette entrevue.
Nous n’avons pas encore fait un bilan complet qu’il faudra rapprocher de celui de Shyam, mais je peux résumer une première analyse qui reste à affiner :
Je termine par des impressions personnelles :
D’abord la gentille de Dawaï Andji notre interprète toujours souriante et disponible ; elle sait s’imposer dans une discussion, sauf quand elle se déroule en tamang.
Ensuite la disponibilité, l’efficacité de Guen notre cuisinier, qui est de Magarsalu et pourrait être un pilier de notre action s’il était toujours sur place ce qui n’est pas le cas. Les mêmes mots pour Shorti Man notre hôte à Kanigaon, qui lui est sur place en permanence.
L’inadaptation de Jean Raoul et moi-même aux usages locaux : nous ne savons pas plier l’échine ! Au sens propre ! Les plafonds sont bas, et les portes encore plus (parfois 1,50m) si bien que nos crânes portent les marquantes et douloureuses traces de rencontres inopportunes !"
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