Visite à Samdo en 2012
Catherine Joriot, présidente de l'association Népalaise SamdoAvenir, est allée à Samdo au printemps 2012.
Voici le récit de son séjour qui permet de mieux connaître la vie dans ce petit village de culture tibétaine, isolé dans les hautes montagnes de l'Himalaya, derrière le Manaslu.
Bilan de deux semaines à Samdo
Ces deux semaines là-haut furent pleine d'émotion, de joie...de colère parfois en tout cas bien remplies. Comme toujours les habitants m'ont touché par leur implication dans les projets, par leur participation totale et leur refus d'attendre de l'aide en se croisant les mains. Leur grande dignité et leur amitié me touchent beaucoup.
La fierté aussi des parents lorsque j'ai montré les photos de leurs enfants à la Namgyal school de Kathmandu, leur émotion lorsqu'ils ont reçu lettres et dessins que m'avaient confié leurs enfants, sont aussi des moments qui me font oublier les heures passées dans les comptes, les factures et autres désagréments liés à la gestion de Samdo Bavishya.
Ils ont aussi aimé voir les photos des membres de Samdo Avenir en réunion, sur les stands, en ballade. Ils commencent à mieux comprendre combien nous sommes nombreux et actifs derrière tous ces projets.
Maintenant qu'il y a un ordinateur à l'école nous pourrons faire un petit film de la prochaine AG pour leur passer là-haut.
Le départ fut comme toujours émouvant. En trois jours et un col à 5000m je me retrouve dans la fournaise d'avant mousson à Kathmandu, le bruit des klaxons et la poussière. Un autre monde.
Les habitants de Samdo vous remercient tous pour vos actions au sein de Samdo Avenir et ont une pensée spéciale pour Georges et sa famille qui vivent des moments très difficiles depuis trois mois. Une cérémonie spéciale a été faite hier 16 Juin, par le lama Urgyen pour la guérison de Georges. Karsang rapporte des talismans bouddhistes qu'elle remettra elle-même à Georges dans une semaine.
Catherine Joriot
Récit du séjour
Pour monter à Samdo j'ai trois choix :
- monter à pied depuis Arughat en une semaine (le chemin des trekkeurs qui font le tour du Manaslu)
- monter par le col de Larkya 5000m en 5 jours (le passage habituel des habitants de Samdo, mais la montée est très raide)
- profiter des nombreux hélicos qui montent pour ramener les alpinistes de retour du Manaslu en cette saison.
J'ai à nouveau choisi la première solution car je crains de souffrir du mal d'altitude en montant si vite par le col et je n'ai pas vraiment confiance dans les hélicos depuis quelques temps.
C'est donc après 2h de voiture, 3h de bus sur une piste accidentée, 2h de jeep et 5jours et demi de marche que j'atteins Samdo.
Les Lodge sont plus confortables mais pour les repas c'est encore très rudimentaire.
Visite à Samagaon
Avant de rejoindre Samdo je m'arrête à Samagaon. Visite de l'école, rencontre avec les enfants de Samdo pensionnaires à Samagaon. Visite aux kamis, forgerons. Leur instit m'a dit qu ils ont fait de grand progrés. Ils me montrent leurs cahiers fièrement.
Bir Bahadur m'apprend que dorénavant les enfants kamis sont en classe avec les autres et qu'ils jouent avec tous ensemble dans la cour. C'est une grande nouvelle et l'intégration a été plus rapide que prévu.
Bir Bahadur me dit qu'il ne va sûrement pas aller plus loin que la classe 5 car il a du mal a garder les enfants plus longtemps à Samdo. Il me demande d'envoyer plus d'enfants de Samdo à Samagaon. Il a engagé un nouveau prof de tibétain très compétent, cela devrait plaire aux parents de Samdo.
A Lo j'ai rencontré Geoff Childs , un tibétologue américain qui a écrit un livre sur Samagaon il y a quelques années et aide l'école à travers l'association SEEDS. Cela fait longtemps que nous voulions nous rencontrer. On a convenu de garder le contact et de faire en sorte que certains enfants de Samdo suivent les classes 4 et 5 à Samagaon. Il est aussi prêt à aider le club des jeunes de Samdo. Il rencontré Nima Dorjé à Samdo.
Cette année les alpinistes repartent très tôt du Manaslu, peu de réussites. Trop de neige. Quelques retardataires errent encore dans Sama.
Reconstruction du pont
Une journée est consacrée à la construction d'un pont détruit par un torrent. Chaque famille doit envoyer une personne à la construction. Certains hommes cassent d'énormes pierres avec des barres de fer, les femmes portent les pierres sur leur dos jusqu'au pont, d'autres hommes construisent le pont. Il suffira de quelques heures pour que le pont soit totalement reconstruit.
Un peu retardé par un accident qui aurait pu être fatal : Chumbi a touché aux pierres de soutènement et tout s'est écroulé sur lui ! Par chance il a réussi à bloquer les énormes blocs avec son dos, des hommes sont venus le secourir mais nous avons tous eu très peur. Ici loin de tout secours, il faut être prudent.
La maison des femmes
Un autre jour est consacré au début de la construction de la maison des femmes. C'est le profit de la vente des articles en France et au Népal qui permet cette réalisation.
Là aussi chacun s'y met. Incroyable ! En quelques heures la moitié des murs sont montés, porte et fenêtres posées. Une partie de la maisonnette sera réservée à l'infirmerie.
Une autre journée est prise pour réparer la centrale hydroélectrique endommagée par la neige de l'hiver. Les hommes cassent les rochers, les femmes portent.
Le soir même nous avions à nouveau l'électricité au village.
Les déchets
Le père de Karsang et le porteur qui est monté avec moi pour construire les toilettes de la Lodge de Karsang, ont reconstruit l'incinérateur. J'ai demandé à Nima Dorjé de contrôler que deux trous seraient ensuite creusés : l'un pour la ferraille et l'autre pour le verre. Et de vérifier que seul ce qui est combustible sera jeté dans l'incinérateur.
Mais le problème n'est pas réglé. Les déchets ont augmenté à cause du développement touristique et j'ai bien peur que le projet de redescendre les déchets avec nos groupes GST aidés de Nomade et La Balaguère ne soit pas suffisant. Il faut absolument que MCAP participe au nettoyage. On n'y arrivera pas seul.
A l'école
Pendant mon séjour j'ai aussi remplacé trois jours Nima Dorjé et assuré les cours d'anglais à l'école pour les classes 1 et 2. C'était très sympa et cela m'a permis de mieux faire connaissance avec les instits et les enfants.
Bel Bahadur était exceptionnellement présent et j ai pu me rendre compte que c'est un très bon prof, très aimé de enfants. Suite à mon passage à Gorkha ce printemps il s est fait « remonter les bretelles » par son chef et il est arrivé pour la rentrée des classes à Samdo.
Malheureusement il repartira un mois après à l'arrivée de l'autre instit du gouvernement. Mais il a promis de revenir au bout d'un mois. A vérifier.
L'école ouvre à 10H mais les enfants sont dans la cour dès huit heures du matin ! Gyurmé arrive même à 7h et refuse de manger avant. A part les petits de maternelle qui pensent plutôt à jouer, dormir, manger les autres sont avides d'apprendre. Aucun problème de discipline. Ils sont hyper attentifs et curieux de tout.
D'ailleurs Bir Bahadur m'a encore dit qu'à Samagaon les élèves de Samdo sont les meilleurs élèves.
J'ai pu aussi un peu repérer les enfants qui pourront être admis directement à Namgyal School dans deux ans. Sonam et Tarpa sont largement en tête de classe.
Souvenez-vous de Tarpa ? Dans les premiers bulletins alors que l'école n'était pas construite et que les cours avaient lieu dehors au-dessus du village, c'est lui qui n'avait pas réussi à faire le moindre dessin ni trait. Il était resté bloqué, le crayon en l'air.
Maintenant il écrit en anglais, tibétain et népalais ! Il est bon en calcul.
Par contre ils ont du mal avec la compréhension de l'anglais et Nima Dorje aura beaucoup à faire.
Je vais leur envoyer des DVD de méthodes d'anglais pour enfants.
J'ai trouvé qu'Uten ne fait pas assez de jeux avec les tout petits. Il faudrait lui faire suivre une formation l'hiver à Kathmandu. A deux ans et demi ils ne peuvent pas tenir longtemps assis à une table. Je lui ai donné quelques idées mais il faudrait plus de temps et quelqu'un dont c'est le métier.
Le problème aussi est que Chedok et Nima Dorjé sont souvent appelés pour les travaux du village car ils sont les seuls garçons de leur famille. Nous devrons en reparler et essayer d'obtenir qu'ils soient exemptés des travaux communs.
Vie sociale
Petite frayeur à nouveau lorsqu'éclate une bagarre lors de la pause déjeuner.
Alors que je partageai mon piquenique avec Karsang et ses amies, les hommes me demandent de venir les rejoindre. Nous discutons tranquillement. Je raconte à Chumbi que le bonnet qu'il porte est un bonnet de marin breton et lui parle de la mer.
Au bout d'un moment Karsang et d'autres femmes pensant que les hommes se plaignent à moi de la gestion de l'argent du tissage par les femmes du comité, se mettent à prendre Chumbi à parti. Le ton monte et le jeune Tsering qui a apparemment le sang chaud et pas mal de tchang d'englouti en plein soleil, se bat avec Yongzom qui le frappe avec une pioche...heureusement le coup est dévié. Impossible de calmer le grand Tsering, plusieurs hommes le ceinturent et tentent d éloigner Yangzom.
J'ai du intervenir et calmer Tsering qui a du avoir un peu honte devant moi et fini par entendre raison....j'ai eu un peu peur de prendre un coup dans la bagarre, je pensai surtout que vu l'éloignement de tout soin il ne fallait pas que ça dégénère.
Une fois encore j'ai pu me rendre compte de la rapidité avec laquelle peut commencer une bagarre entre les villageois. A la fin du séjour je me suis demandé si ce ne serait pas l'altitude qui serait en cause (en plus de l'alcool évidement), car je me suis moi-même anormalement énervée pour des broutilles lors de mon séjour. Cela me rappelle que nous avions remarqué il y a qqs années que les touristes se rendant au Tibet devenaient souvent anormalement agressifs. Il faudra que j'en parle avec un médecin de montagne...
En fait j'apprends que cela fait un moment que certains hommes réclament à voir les comptes du comité des femmes et font courir le bruit qu'une partie de l'argent est détourné.
Devant tout le monde j'ai du repréciser que cet argent appartient aux femmes, qu'elles en font ce qu'elles veulent et qu'elles n'ont aucun compte à rendre aux hommes. Je fais aussi remarquer que contrairement aux projets gérés par les hommes, elles accomplissent rapidement les projets : toilettes de la gompa, maison des femmes.
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