Visite à Samdo - Novembre 2014
En Novembre 2014, Michel Boissier s'est rendu a Samdo et nous en fait ici un récit trés vivant et trés interressant pour se rendre compte de l'évolution de la vie au village:
"Cette année, notre voyage au Népal revêt un caractère particulier. Hormis le fait que ce sera la quatrième visite pour Marie-Line et ma septième, nous sommes accompagnés de notre fils Adrien et sa compagne Sarah ! Ils vont découvrir le Manaslu dont j'avais fait le tour il y a six ans. Avec Marie-Line, nous poursuivrons jusqu'à Samdo.
Nous représenterons deux associations : Samdo Avenir bien sûr avec quelques colis remis par des parrains et marraines et l'APEK (Association Pour les Enfants de Katmandou) qui construit une maison d'accueil à Pokhara.
Nous quittons Katmandou le 4 novembre avec l'incontournable journée de bus qui nous mène tout d'abord à Mugling avant d'attaquer 3h de 'rodéo-bus' car la piste a encore progressé jusque Balwa, et rejoindra bientôt Barpak (!) ... mais ne peut pas encore être qualifiée de route ! (Le départ de Ghorka, est à privilégier tant les paysages valent la peine d'être traversés à pied !).
Nous débutons par la rude montée vers Barpak et Laprak, pour profiter de l'ouverture que ce parcours offre sur les massifs et notamment le Baudha Himal. (Nous reviendrons par les gorges d'Arughat).
Après les seules gouttes de pluies de ces quatre semaines, c'est un temps magnifique qui nous accompagnera jusqu'à destination. 7j pour rejoindre Lho par la vallée de la Burhi Gandaki tour à tour encaissée et forestière, ouverte et pastorale. Le sentier, lui, ne se contente pas de longer la rivière mais en surplombe parfois de plusieurs centaines de mètres les flots tumultueux.
Compte-tenu des dramatiques évènements climatiques survenus un mois plus tôt, nous nous renseignons auprès des trekkers qui descendent. Seul un froid polaire, accentué par un fort vent les a reçus à Samdo mais presque plus de neige... en fait, une semaine plus tard, nous n'aurons pas trop froid et peu de vent .
Mais avant de parler de Samdo, comment vous décrire ce fabuleux sommet qu'il faut contourner, 8e sommet de la planète, qu'est le Manaslu ? Ses 8163m d'altitude sont cachés jusqu'à Lho. Il surplombe de plus de 5000m le monastère, tel un volcan isolé de tout voisin. Le soir, il se détache en ombre chinoise, jouant avec les nuages et les panaches de neige qui s'en détachent. Le matin, il est difficile d'intégrer l'échelle du monstre sur lequel nous avons eu la chance de voir un lever de soleil pur et sans voile !
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Après une journée passée au pied du géant, Adrien et Sarah redescendent. De notre côté, deux petites journées nous séparent de Samdo. Nous y arrivons le vendredi 14 novembre à 11h30, accompagné de Pasang, notre porteur.
Le premier arrêt, pour nous, est une évidence, après le chorten-porte qui marque l'entrée du village, il est indiqué en grand, bien visible du sentier, avant même d'apercevoir le village lui-même... « Chez Karsang Lodge » !!
Nous sommes accueillis par Norbu Sherpa, le cuisinier. Karsang est au « meeting » à la gompa !
Nous apprendrons plus tard qu'avant l'hiver et la séparation des villageois vers des contrées plus clémentes, les griefs de l'année sont débattus en communauté (une personne par famille). Ce qui donne lieu à des compensations âprement négociées. Aujourd'hui sont débattus les dégâts causés par des bovins divagant sur des cultures dont les propriétaires doivent être indemnisés ... Je ne serais pas autorisé à photographier les débats !
Pendant le repas préparé par Norbu, arrive Choezom, la jeune prof d'anglais et de sciences, envoyée par l'association. Nous sommes vendredi et il n'y a pas d'école cet après-midi ni demain... petite déception pour nous qui ne restons pas plus longtemps mais Choezom devrait être plus disponible...
Nous la laissons préparer son dalbhat et passons voir Karsang au « meeting » puis faisons le tour du village. Les parties ombragées des rues sont encore encombrées de neige tassée. Partout ailleurs elle a fondu et on a du mal à imaginer la situation il y a un mois : 2m d'épaisseur après 36h de chute ininterrompue et tous les groupes coincés plusieurs jours sans pouvoir passer le col ni redescendre...
Comme constaté dans tous les villages depuis notre départ, de nombreux lodges se construisent à Samdo... pas toujours dans le style local malheureusement. Les édifices sont bâtis le plus économiquement possible avec des parpaings de qualité douteuse, joints, sans soucis d'esthétique. Le ciment semble sans consistance. Le toit est souvent couvert de tôles de couleur bleue...
Il est vrai que la taille des pierres nécessite un site d'extraction, de la main d'œuvre, du temps pour le calibrage mais aussi le transport. Les toitures en lauses demandent une charpente très solide alors que le bois manque... Ké garné ! Que faire... Chez nous aussi, certains bâtiments ont été conçus sur le même raisonnement !
Heureusement le village traditionnel de Samdo est à l'écart du sentier. Il est donc préservé de ces constructions sauvages qui s'élèvent le long du chemin menant directement vers le col du Larkya en longeant la rivière.
Est-ce un avis de touriste ? Qu'en pensent les villageois ? Et que penser de cette volonté de profiter au plus vite et à moindre coût de cette manne touristique alors que les autres ressources sont si rares ?
Il y a six ans tous les groupes étaient en camping... désormais, je pense que le nombre de lits proposés dépassent la demande !
Certes, le tour des Annapurnas voyant son intérêt diminuer pour cause de route et de perte d'authenticité des villages, de nombreux trekkers se tournent vers le tour du Manaslu ou la Tsum valley toute proche. C'est ce succès qui a certainement permis ou nécessité (?) le remplacement des anciens ponts en bois par des ponts suspendus métalliques. Mais tout succès a ses revers : les incessantes caravanes de mules qui ravitaillent les lodges (en bière... !) en endommageant les nombreux escaliers stabilisant les sentiers ou encore les monceaux de déchets rejetés dans les ravins.
Nous retrouvons Choezom et lui expliquons notre souhait de visiter les familles pour lesquelles nous avons des colis de la part des parrains et marraines.
Pendant qu'elle s'assure que notre visite sera possible, nous enfilons quelques vêtements plus chauds (il est 15h, le soleil vient de disparaître et la température chute brutalement !). Nous la suivons alors pour accomplir notre mission !
L'accueil dans les trois familles visitées est très chaleureux et c'est toujours avec émotion que nous pénétrons leur foyer dont on n'imagine pas la rusticité !
Que la vie y est simple mais rude ! Après quelques échanges traduits par Choezom, c'est la remise du présent, la séance photo et le partage du thé... tibétain bien sûr ! Et je dois vous dire très honnêtement que j'ai trouvé ceux de Samdo excellents, pas trop salés et sans ce fort goût de rance donné par le beurre dans certaines autres contrées... ou autres saisons (?) (Marie-Line n'osera pas... joker !). C'est ainsi que nous avons fait la connaissance des parents de Songay Dorji (maintenant au monastère), de Manae Sangmo, Dolma Pasang et leurs familles... que les parrains et marraines en soient remerciés.
C'est après la nuit tombée, vers 18h30, que nous regagnons le lodge de Karsang pour un souper revigorant (soupe, frites et apple pie ... oui, je vous l'avoue, nous avons parfois fait des infidélités au traditionnel dalbhat bien que ce soit souvent la meilleure façon de se nourrir !)
Nous en profitons pour parler avec Karsang qui se remémore bien certains mots de français mais aussi grâce à Norbu qui traduit mon anglais fort hésitant... |
Nous apprenons ainsi que la génératrice d'électricité installée pour le village est en panne. Une pièce maitresse est attendue de Katmandou avec une personne compétente pour son remplacement... Je ne pourrais pas prendre de photos car le détenteur de la clef de la « power house » est parti chercher du bois ...
Nous feuilletons également les albums photos de son voyage en France qui nourrissent avec succès la curiosité des visiteurs et l'intérêt des guides et porteurs népalais !!! A 20h30 nous quittons à regret la cuisine, chauffée par le feu, pour rejoindre notre lit glacé, heureusement surmonté d'épaisses couettes !
Le matin, si à cette saison, le jour se lève à 6h, il faut attendre 8h30 pour voir pointer les premiers rayons du soleil... et c'est son seul rayonnement qui réchauffe l'air ne dépassant pas 0°C.
Aujourd'hui, samedi 15 novembre, Choezom nous fait visiter l'école dont l'état nous déçoit quelque peu... carreaux cassés, tôles et divers matériels entreposés dans les salles sans doute pour la réfection du toit. Mais Choezom nous dit que, souvent, la classe se fait dans la cour, au soleil car la température y est meilleure !
Nous visitons ensuite une personne âgée vivant seule et donc à priori sans ressource. Une aide pourrait lui être apportée si son isolement est confirmé ...
A notre demande, Choezom nous montre aussi un des métiers à tisser ces fameuses bandes de tissus bien connues des adhérents de Samdo Avenir.
Toujours avec autant de gentillesse, elle nous redirige, cette fois de jour, vers les maisons visitées hier soir. Je souhaite les photographier en extérieur.
Puis c'est en montant pour avoir une belle vue sur le village que nous passons devant la maison de l'association des femmes... Le toit s'est effondré, tous les tissages et objets proposés à la vente ont pu être entreposés ailleurs... Reste à réparer ce lieu qui devrait offrir au village un échange intéressant avec les trekkers de passage.
Catherine m'avait également parlé d'une jeune française qui passait quelques jours dans la région pour une autre association mais je n'avais pas réussi à la rencontrer. C'est chez Karsang, au moment où nous allions quitter Samdo, qu'elle est venue nous retrouver. L'échange fut intéressant et de son côté elle fut contente de rencontrer Choezom... Les actions ne manquent pas, et elles sont en marche ! Nous remercions Choezom pour sa disponibilité et sa gentillesse en espérant qu'elle accepte de revenir pour la prochaine saison.
Voilà, c'est ainsi que nous quittons Samdo, émus par l'accueil toujours aussi chaleureux des habitants et souhaitant qu'une nature clémente, une organisation commune et l'aide utile de Samdo Avenir leur permettent de remettre en état le potentiel du village.
Notre retour face au soleil sera long mais magnifique. C'est avec étonnement que ces conditions nous ont révélé de magnifiques couleurs d'automne dans les mélèzes mélangés aux pins himalayens, dans les fougères, les cotonéasters chargés de petits fruits rouges et autres arbres multicolores.
Après une visite à Pokhara, et avant notre retour en France, nous rendons visite aux enfants de Samdo scolarisés à la Namgyal school à Katmandou. Avec notre amie Nima qui a travaillé avec Catherine et connait bien Samdo, nous constaterons qu'ils sont heureux et bien entourés par les personnes qui en prennent soin hors périodes scolaires dans un cadre privilégié, grâce à Samdo Avenir.
Michel Boissier, janvier 2015.
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