Visite à Samdo en 2018
Extrait du récit de Catherine, qui est retournée à Samdo à la fin de l’année 2018.
Le but de ce voyage était de constater les récents développements, afin de mieux évaluer les besoins actuels de façon à définir les projets que Samdo Avenir pourrait soutenir. Il fallait aussi trouver une solution pour l’école, depuis que la précédente institutrice est partie, en fin d’année scolaire dernière. Elle n’était pas montée au village depuis quelque temps, et a pu remarquer de nombreux changements : une route en constructions, de nouveaux lodges… Samdo se développe !
« Depuis ma première visite à Samdo il y a 16 ans, le village a bien changé. Le niveau de vie des habitants s’est amélioré, grâce au tourisme (Lodge) et à la cueillette du yersa gumba.
Je n’y étais pas remontée depuis le séisme de 2015 ; j’étais donc heureuse de partir fin novembre sur les sentiers du Manaslu pour rejoindre Samdo. Bruno Baraduc – voir bulletin n°56-, qui avait terminé sa mission à Magarsalu, m’accompagnait.
Après un trajet en Jeep sur la piste menant à Sothi Khola via Arughat, nous avons poursuivi à pieds : c’est ici que le trekking commence ! Le sentier est en travaux pour être transformé en piste, on pourra bientôt y circuler. Des ouvriers travaillent dur, on les voit s’attaquer aux falaises au marteau piqueur, placer des gabions sous la piste au-dessus du vide, on doit parfois attendre à un tournant que les soldats fassent exploser leur dynamite. Les cantonniers ont du courage et travaillent dans des conditions très rudes.
Le sentier est généralement meilleur qu’avant, les lodges sont beaucoup plus confortables. A Namrung on trouve même un hôtel de luxe avec sauna, bar, pâtisseries ! Un peu étonnant dans cet environnement !
De Bhi Phedi, nous traversons une forêt pour rejoindre Prok. Ce village est toujours aussi accueillant, les maisons et les champs s’étalent sur le plateau au-dessus de la rivière Nubri. Nous décidons d’y passer deux nuits.
Nous partageons les repas avec la famille qui nous loge, dans une cuisine aux gros chaudrons de bronze et sol ciré.
Cette journée de repos nous a permis d’aller à la rencontre des habitants du village, occupés à préparer l’arrivée de l’hiver : collecte de bois, labour, tris des grains et tissage.
Le village de Prok a maintenant un dispensaire important construit par l’ONG CAN. Il est plus facile de vivre dans ce village situé à 2400m que dans les villages de plus haute altitude.
Nous reprenons notre route le long de la Bhudi Gandaki et traversons Ghap et Namrung, où les lodges sont plus nombreux qu’avant. Nous arrivons à Lho nou ou nous nous installons pour la nuit chez Tsering, que j’ai connu enfant, dans un orphelinat de Kathmandu.
Le lendemain, nous nous arrêtons à Shyala qui a beaucoup changé. Ce village pauvre aux ruelles boueuses s’est transformé en une belle étape aux lodges imposants construits dans le style de la région : pierres taillées et bois. La vue y est exceptionnelle. C’est un cirque de sommets enneigés tout autour de nous avec les deux pointes du Manaslu balayé par un fort vent d’altitude.
Nous prenons ensuite le sentier pour Samagaon, dernière étape avant Samdo. Un immense pont suspendu traverse le torrent qui descend du glacier Pungyen.
De nouveaux lodges se sont construits, mais ici comme à Samdo, les lodges manquent de charme et de confort.
En quittant Samagaon, nous montons au monastère qui offre une belle vue sur les 8000m du Manaslu et ses glaciers.
Nous parvenons enfin à Samdo après la dernière montée qui me paraît toujours aussi raide à cette altitude de 3800m.
Nous retrouvons Karsang Diki qui nous accueille dans son lodge agrandi. Il fait un froid glacial. Entre 1 et 5°C dans les chambres !
Je traverse le village.
Le nouveau lodge de Nyima Dorje est un bâtiment tout en long avec une grande salle à manger. Celui de Kancha s’est transformé en deux immenses bâtiments en parpaing sans charme.
La cuisine du Twin lodge n’a pas changé, il y fait bien chaud et je m’attarde pour boire un thé avec les propriétaires, oncle et tante d’Uten, notre ancienne institutrice.
En face de la fontaine gelée, je découvre la nouvelle maison des femmes. Plus grande et plus solide que l’ancienne, il faut encore terminer l’intérieur.
Je prends la rue principale (et unique !). Ici rien a changé. Les maisons sont restées identiques sauf une ou deux reconstruites après le séisme avec l’argent du gouvernement.
Le lendemain de notre arrivée j’organise une réunion avec les femmes, dehors devant le monastère, comme pour toutes les réunions importantes au village.
La bonne nouvelle c’est qu’une nouvelle institutrice a été trouvée. Il s’agit de Tsering Uten, qui vient de terminer ses études et de rentrer au village
.
L’après midi nous visitons l’école. Le bâtiment est en bon état, il faudrait juste consolider le mur d’enceinte. Le bureau et 2 salles de classe sont fonctionnelles, quelques réaménagements seront nécessaires. Il reste beaucoup de cahiers, crayons et jouets. La cuisine est propre et bien rangée.
Nous listons ce qu’il faudra envoyer de Kathamndu.
Le lendemain Nyima et moi organisons une réunion avec tout le village, toujours devant le monastère. Tout le monde est très intéressé par les formations que nous donnerons cet hiver
A ma grande surprise on nous demande surtout des cours de conduite. En effet la route goudronnée côté chinois atteint la frontière et pourrait très rapidement arriver à Samdo.
La réunion se passe très calmement, pas de disputes ni bagarres comme il y a quelques années. On s’écoute les uns les autres. Les enfants jouent au milieu et on boit du thé brulant.
Dans l’après-midi je rends visite à certaines familles, notamment à une personne âgée sans enfant qui habite une maisonnette sous le monastère. L’intérieur est sombre et désordonné. Il est heureux d’apprendre que Samdo Avenir va lui fournir riz, lentilles et farine deux fois par an.
Le soir, j’assiste à une puja (prière) chez Karsang. Traditionnellement, à cette période, un lama va de maison en maison réciter des mantras pour protéger la maison et ses habitants de l’hiver. Nyima Dorje est là aussi en tant que lecteur des livres tibétains sacrés. Des figurines effrayantes ont été pétries dans du beurre et trônent face au lama. Le son des conques se mêlent aux cymbales dans une litanie hypnotique. Soudain Nyima Dorje se lève arrache du sol l’espèce de poêle avec les figurines maléfiques et part en courant dans la nuit…
On jette de la tsampa (farine d’orge grillée) sur le sol et on attend sans bouger le retour de Nyima. Il finit par revenir les mains vides, les figurines ont été abandonnées près de la rivière. Je ressors de la pièce un peu sonnée, avec l’impression d’avoir assisté à un rite très ancien, venu du Tibet perdu.
Le lendemain nous partons à cheval pour le col du Larkya.
Karsang Diki nous accompagne. Comme toujours les villageois sont venus nous souhaiter bonne route et nous remettre des katas. Il fait un temps magnifique.
Dans la montée au col on trouve maintenant un tea shop tenue en saison par les jeunes de Samdo.il ferme début décembre.
Nous arrivons au col. Karsang Diki nous quitte là avec les chevaux et nous commençons la descente vers Bhimtang ou nous nous arrêtons au lodge conseillé par Karsang.
Le lendemain, nous reprenons le sentier pour Darapani, le sentier a été élargi et parfois déplacé mais il reste quelques passages dangereux.
Le dernier jour, une jeep nous attend pour rejoindre Besisahar. La piste en béton est maintenant très large.
Le soir même nous sommes de retour à Katmandou.
Lors de ce séjour, j’ai pu constater que Nyima Dorje fait beaucoup pour le village. Il s’est démené pour que les habitants reçoivent l’argent promis par le gouvernement après le séisme de 2015 pour les reconstructions, ainsi qu’un financement pour acheter de très bons poêles. C’est aussi grâce à lui que la centrale hydroélectrique a été réparée.
En guise de conclusion
Le village évolue vite et si vraiment une route arrive le changement sera radical.
Cependant, même si aujourd’hui, les conditions de vie des villageois sont meilleures, la vie est encore très rude à Samdo à cause du climat à cette altitude. »
Catherine Joriot
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